Le Vendée Globe avec Conrad Colman : une aventure humaine, pleine de défis
Il y a un mois, le 4 février dernier, Conrad Colman, marin averti, franchissait la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne. Après un tour du monde en solitaire de 85 jours, et bien des péripéties, cette course à voile du Vendée Globe surnommée « L’Everest des mers », ô combien challengeante, s’achève pour lui.
MS Amlin, partenaire de Conrad depuis deux années et la « Transat Café L’Or » (anciennement connue sous le nom de Transat Jaques Vabre), a renouvelé son engagement à ses côtés en l’accompagnant tout au long de cette édition du Vendée Globe 2024-2025.
Retour sur l’aventure de Conrad, le premier marin des temps modernes à terminer, deux fois, un tour du monde sans avoir recours à un combustible fossile. Une occasion de partager avec lui son expérience de cette course mythique.

MS Amlin: Si tu pouvais discuter avec le Conrad de novembre 2024, avant le départ du Vendée Globe, que lui dirais-tu ?
Conrad Colman: La dernière fois que j’ai participé au Vendée Globe, c’était en 2016-2017. J’ai été transformé par cette course, car à l’époque je n’étais pas sûr d’y arriver. Cette fois-ci j’avais pleine confiance en mes capacités. La petite chenille s’était métamorphosée en papillon. Grâce à des années de préparations à la fois mentales et techniques sur le bateau, des entraînements, une bonne dose de confiance en soi, j’étais capable de gérer des situations prévisibles, comme imprévisibles. Et croyez-moi, même ce que l’on prévoit est suffisant à faire trembler les bottes d’un marin ! Alors, pour les imprévus, vous imaginez !
Et comme je l’avais évoqué avant le départ de la course ; ce que je voulais faire cette fois-ci c’était confronter celui que j’étais avant avec celui que je suis devenu pour aborder avec sang-froid toutes les difficultés. Mais, je ne voulais pas que ce soit une bataille. Je voulais que ce soit un renforcement, une évolution pour être plus fort et joyeux en même temps. De ne pas être le fameux Bossu de Notre Dame, courbé, mais celui debout et en pleine connaissance de ses possibilités. Et c’était plutôt cela. Je suis très content quand je regarde en arrière. Je vois que j’étais capable de maintenir mes ambitions, de tout confronter avec un sourire et de trouver la force dans le bonheur. Surtout ne pas me dire : « c’est la galère, il faut que j’affronte tout ». Au-delà de cette métamorphose entre le Conrad d’avant et celui d’après, c’est plutôt la concrétisation de la manière différente de vivre cette aventure.
Penses-tu que le fait d’avoir fait le Vendée Globe en 2016 t’a aidé à mieux anticiper les situations, car chaque Vendée Globe apporte son lot de surprises ?
Il y a un philosophe grec qui a dit : « On ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve ». Les événements passent et l’eau coule à nouveau, même si tu as mis le pied ici hier. Tout est en mouvement. Ce n’est pas la même chose d’un jour sur l’autre. C’est encore moins la même chose tous les 4 ans, les 8 ans. Nous ne sommes pas les mêmes, le bateau non plus, l’aventure n’est pas la même. Pour autant, j’ai l’expérience d’un tour du monde, mais sans en être blasé. Cette course est tellement intense. Mais c’est aussi la capacité de s’adapter, d’être ouvert aux changements et conscient de ta propre évolution.
Quel a été le moment le plus marquant durant ce Vendée Globe ?
Sans surprise, le passage du Cap Horn ! Ces célèbres roches perdues au milieu de rien du tout – icône du monde de la voile, à la fois redouté et rêvé. A ce moment-là je me suis dit, je viens de tourner une page. Fini les mers du sud. On a toujours baptisé ce Cap Horn le cap de l’Espérance . C’est ce que l’on dit quand on en sort. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on est sur les genoux après plusieurs semaines à naviguer dans le sud. Ce n’est donc pas un moment anodin. Mais, cette année je suis passé avec des conditions météorologiques beaucoup plus clémentes. C’était étrange. J’ai ressenti une émotion contrastée et inattendue entre le mythe sauvage de cet endroit et la réalité que je vivais : passer, apprécier, souffler. J’étais vraiment connecté avec les lieux. Pour la course c’était un peu frustrant car les fichiers météorologiques indiquaient que les vents seraient levés. Mais les vents n’étaient pas là. Du coup, il y avait cette tension entre l’appréciation du paysage, et le moment, le lieu. Et, puis il y a eu cet instant surréaliste avec le gardien du phare qui m’interpelle en passant, tout en me félicitant : « mais que fais-tu là » ? Le temps de me ressaisir et me dire : « je veux partir d’ici, allez hop hop hop » !

« J’ai la chance de pouvoir surfer sur les vagues qui sont créées par les gens qui sont à terre. »
Quels sont les défis techniques et logistiques auxquels tu as dû faire face ? Comment as-tu surmonté cela ?
L’épisode le plus marquant a été celui de l’Atlantique sud où le bateau a fait un « black out ». Ce fut difficile d’avoir une bonne maîtrise de soi. Pourtant, avec mon expérience je suis capable de prévoir beaucoup de choses. Pour moi, les imprévus sont plus faciles à gérer, parce je sais être créatif. Mais être confronté à quelque chose de prévisible, c’est barbant. J’avais imaginé, anticipé avec l’équipe ce type d’avarie, cette surchauffe avec l’un des composants dans le système de charge. Un système électronique crucial pour le bateau. Et puis, cela tombait à un mauvais moment. J’étais en plein mode « attaque ». A ce moment précis je me rapprochais du peloton. Je voyais mes concurrents. Devais-je prendre la route est, ou ouest où j’avais bifurqué avec Jean Le Cam? C’était l’occasion de profiter de tout le travail qui avait été fait ces dernières semaines pour prendre contact avec les autres marins. J’étais, avec mon poing tendu, prêt au combat. Puis, survient ce problème de bateau. Je naviguais à vue. Tout tombait à l’eau. Le bateau n’était pas loin de prendre feu. Je ne voulais pas utiliser les composants de rechange ; ne pas « brûler les dernières allumettes avant le final ». Cela m’a pris plusieurs jours avant de cerner le problème, de switcher tous les composants qui avaient brûlés dans la carte mère, démonter les boîtes avec une pince à épiler, des petits ciseaux pour récupérer les morceaux de circuit imprimés et reconnecter ce millier d’iodes. Envoyer une photo, couper là ou bien surtout pas là, avec le bateau qui bouge dans tous les sens. C’était Quel stress, mais aussi quelle joie quand j’ai réussi. Tu vois le LED qui s’allume, la connexion qui passe, les appareils qui fonctionnent derrière. Alors, tu lèves les bras en l’air tel Rocky Balboa qui a gagné la manche ! Mais, pendant tout ce temps j’avais à nouveau perdu contact avec le peloton.
Quels ont été les aspects les plus précieux du partenariat avec MS Amlin, à la fois d’un point de vue personnel et professionnel ?
Je suis ravi d’avoir rencontré les collaborateurs de MS Amlin, dans toutes les filiales. Je connaissais votre engagement, votre intérêt pour cette collaboration. Mais c’était vraiment chouette d’échanger avec tous les salariés qui étaient derrière moi et qui d’ailleurs m’ont suivi avec le Virtual Regatta. J’ai également apprécié ces échanges par vidéo avec des élèves de CE2 de l’école de Montigny le Bretonneux (dont l’un d’entre eux était le fils d’une collaboratrice). Comme je le dis souvent, ce n’est pas une course en solitaire. J’ai la chance de pouvoir surfer sur les vagues qui sont créées par les gens qui sont à terre. Je suis sur la mer, mais il y aussi tous les autres qui sont sur terre, avec qui tu as travaillé pour préparer tout cela ou qui te soutiennent tout au long de la course.
Le partenariat avec un assureur qui s’investit m’a permis de mieux aborder la gestion du risque et des imprévus. Je viens du monde économique avec ses retours sur investissement immédiats. Faire la course avec un assureur c’est une autre optique ; c’est changer de paradigme, en maîtrisant le risque tout en apportant des solutions à long terme. C’est aussi voir plus loin. Comment maîtriser son risque avec cette surchauffe du bateau ? Dois-je aller vers telle route à l’est ou l’ouest pour ne pas dériver ? Ce choix binaire s’impose-t-il à moi ? Ou bien y-a-t-il une autre alternative pour revenir dans la course ? Cette manière de penser m’a beaucoup apporté dans mon analyse et au moment de faire des choix sur le parcours et d’adopter un autre comportement. À travers cette collaboration, j’ai appris que le vrai secret de la réussite, c’est de toujours avancer avec un partenaire solide, capable de nous guider à travers les tempêtes, et d’anticiper les vagues du futur.

Crédits photos: @Georgia Schofield